Souvent comparé à Berghem, Wouvermans ou Karel Dujardin, le paysagiste Nicolas-Antoine Taunay (1755-1830) eut cependant l’ambition d’être un peintre d’histoire. Son œuvre illustre en effet l’ambiguïté nouvelle de ce titre à la fin du 18^e siècle: comme Greuze voulut sublimer la peinture de genre par sa portée morale, Taunay tenta de hausser le paysage au rang du grand genre et de renouveler la peinture de paysage historique héritée de Poussin. En témoignent ses batailles épiques, retraçant la geste napoléonienne, ses vues pittoresques de Paris, toujours liées à l’actualité contemporaine, ses scènes de genre enfin, dont les sujets moralisants, issus du théâtre du 18^e siècle, ou de la vie du “bon roi Henri IV”, lui valurent le surnom de “La Fontaine de la peinture”.
En 1816, membre de la mission française envoyée au Brésil à la requête de Don João VI, il tenta de s’imposer comme le chef de file de la peinture brésilienne, avant de revenir à Paris en 1821 et d’y mourir en 1830. Dans ses paysages brésiliens, il fit montre d’un néoclassicisme mesuré, qu’il avait pu expérimenter jeune homme lors de son voyage à Rome (1784-1787) auprès de David. À son retour, le sentiment de la force de la nature, cher aux préromantiques, imprégna ses compositions.
L’essai introductif de l’ouvrage, autant que le catalogue raisonné exhaustif qui le complète, remettent ainsi en lumière la carrière d’un peintre éclectique, qui, de l’Ancien Régime à la Restauration, sut amorcer les bouleversements esthétiques du 19^e siècle. Encore trop souvent relégués dans la catégorie des artistes de second ordre, les peintres de genre de la fin du 18^e siècle ont rarement leur place dans l’histoire de l’art de cette période. Une monographie de l’un de ses plus intéressants représentants, Nicolas-Antoine Taunay, comble ainsi un manque, tout en apportant une connaissance approfondie d’un artiste fécond, qui travailla pour le Roi, l’Empereur, la cour du Brésil, autant que pour les éditeurs et les curieux de son temps.